La CSRD, directive européenne pour l’harmonisation des informations sur la durabilité

Le but de la CSRD (Corporate sustainability reporting directive : directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises) est de définir une méthodologie unique pour le reporting ESG (Environnement, social et gouvernance). Cela permettra aux entreprises d’augmenter la transparence et la fiabilité des informations ESG qui sont de plus en plus demandées par les investisseurs, les financiers et les donneurs d’ordre.

Ce qu’il faut retenir

  • La CSRD est une directive européenne qui remplace la NFRD et définit précisément le contenu du reporting sur la durabilité.
  • Son application est décalée jusqu’en 2028 suite à l’adoption de la directive « Stop the clock » au printemps 2025.
  • Le « paquet Omnibus », en cours de validation au niveau européen, vise à simplifier les attentes de la CSRD pour réduire le nombre d’entreprises concernées et faciliter l’établissement des rapports de durabilité.

Différence entre CSRD, NFRD et taxonomie verte

La CSRD en remplacement de la NFRD

La CSRD remplace la NFRD (Non-financial reporting directive) créée en 2017. Cette directive imposait aux grandes entreprises de publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF) relative à leurs actions en ESG. La NFRD ne fixait aucun cadre précis quant aux données à partager et une validation interne suffisait avant publication. Cette directive concernait environ 11 000 entreprises dans l’Union européenne. Sans le paquet Omnibus, la CSRD pourrait concerner jusqu’à 50 000 sociétés européennes.

Les principaux apports de la CSRD par rapport à la NFRD sont :

  • La standardisation des rapports ESG avec les normes ESRS
  • La fiabilité et la vérification des données
  • L’amélioration de la prise de conscience de leur impact environnemental par les sociétés
  • L’analyse de double matérialité
  • L’élargissement du champ d’application
  • La digitalisation du reporting

La taxonomie européenne

Il s’agit d’un système de classification pour identifier les activités économiques durables. Elle concerne :

  • Les entreprises qui publient des informations sur la durabilité de leurs activités
  • Les États-membres agissant en faveur de mesures, labels ou produits financiers verts
  • Les compagnies d’assurance, acteurs financiers et institutions de supervision financière

Le classement en activité durable requiert de contribuer de manière substantielle à au moins un de ces 6 objectifs :

  • Atténuer le changement climatique.
  • S’adapter au changement climatique.
  • Protéger et utiliser durablement les ressources aquatiques.
  • Mettre en place une économie circulaire.
  • Prévenir et contrôler la pollution.
  • Protéger et restaurer les écosystèmes et la biodiversité.

Qui est concerné par la CSRD ?

Dans la version originale de la CSRD, le calendrier d’application concerne :

  • Dès le 01/01/2024 : les grandes entreprises d’intérêt public de plus de 500 employés avec un bilan total de plus de 25 M€ ou un chiffre d’affaires (CA) net de plus de 50 M€
  • Dès le 01/01/2027 : les grandes entreprises qui remplissent 2 des 3 critères (bilan total de 25 M€, chiffre d'affaires net de 50 M€ ou nombre moyen de salariés employés de 250)
  • Dès le 01/01/2028 : les PME cotées sur le marché réglementé européen qui remplissent 2 des 3 critères (bilan entre 0, 45 M€ et 25 M€, CA net entre 0, 9 M€ et 50 M€, nombre moyen de salariés entre 10 et 250) et certains établissements de crédit
  • Dès le 01/01/2028 : les entreprises non européennes ayant à la date de clôture des 2 derniers exercices consécutifs un chiffre d’affaires net européen supérieur à 150 M€ et disposant d'une succursale en Europe dont le chiffre d'affaires net excède 40 M€

Les normes européennes de reporting de durabilité (ESRS)

Les normes transversales ESRS1 et ESRS2

La norme ESRS1 correspond aux principes généraux et l’ESRS2 liste les informations à publier. Elles concernent :

  • La gouvernance : rôle et composition, informations sur les enjeux de durabilité, mécanismes incitatifs liés aux performances de durabilité, vigilance raisonnable, gestion des risques et contrôle interne
  • La stratégie et le modèle d’affaires : informations contextuelles, prise en compte des intérêts des parties
  • La gestion des impacts, risques et opportunités : identification et évaluation des enjeux matériels

La norme environnementale ESRS E1 : le changement climatique

Elle évalue l’impact de la société sur l’environnement et l’effet réciproque via plusieurs thématiques :

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)
  • Alignement des objectifs climatiques avec l’Accord de Paris
  • Plan de transition vers la neutralité carbone
  • Risques physiques (canicules, inondations...) et de transition (réglementations, prix du carbone...)
  • Utilisation de la taxonomie verte de l’UE
  • Contributions à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique

La norme environnementale ESRS E2 : la pollution

Son objectif est de décrire la contribution de l’entreprise à la pollution de l’air, de l’eau, du sol en explicitant :

  • Les émissions de polluants dans l’air (particules fines, NOx, Sox…), l’eau (nitrates, phosphates, hydrocarbures...), le sol (produits chimiques industriels, pesticides…) et de microplastiques
  • Les stratégies de réduction ou de prévention de la pollution
  • Les impacts de la pollution sur la biodiversité et la santé humaine

L’ESRS E2 appartient à un cadre réglementaire plus large qui comprend :

  • La taxonomie environnementale de l’UE : classement des activités économiques selon leur durabilité
  • La directive sur les émissions industrielles (IED : industriel emission directive) : limites fixées aux rejets industriels dans l’air et l’eau
  • Le règlement REACH : contrôle de l’utilisation des substances chimiques dangereuses pour protéger les humains et l’environnement

La norme environnementale ESRS E3 : ressources hydriques et marines

Elle concerne la gestion de l’eau douce et les impacts de la société sur les milieux marins en compilant des informations sur :

  • Prélèvements, consommation et rejets d’eau
  • Stratégies de réduction ou de prévention de la pollution
  • Réutilisation de l’eau
  • Action pour réduire la consommation d’eau ou améliorer sa qualité
  • Impacts sur les écosystèmes marins et d’eau douce

La norme environnementale ESRS E4 : biodiversité et écosystèmes

Elle est consacrée à l’impact de l’entreprise sur les écosystèmes et inclut :

  • La dépendance à des services écosystémiques (pollinisation...)
  • L’exploitation des ressources naturelles et ses effets sur la biodiversité (déforestation, artificialisation des sols…)
  • L’utilisation des terres et ses conséquences sur les habitats naturels
  • Les actions pour arrêter la perte de biodiversité et la restaurer

La norme environnementale ESRS E5 : utilisation des ressources et économie circulaire

Elle correspond au compte-rendu sur l’utilisation des matériaux et la stratégie circulaire de la société en explorant plusieurs thématiques :

  • Quantité de matières premières utilisées
  • Stratégies de réduction de l’emploi des ressources, de réutilisation et de recyclage
  • Génération et valorisation des déchets
  • Conception de produits durables et réparables
  • Actions en faveur de l’économie circulaire

La norme sociale ESRS S1 : effectifs de l’entreprise

Elle s’attache au personnel de la société et à ses conditions de travail :

  • Caractéristiques des salariés : nombre, répartition par genre, par pays, par type de contrat, par région, indicateurs de diversité...
  • Informations sur les travailleurs non salariés (indépendants et intérimaires) : nombre, types de contrats, travail fourni, répartition hommes-femmes...
  • Conditions de travail : rémunération, horaires, congés...
  • Relations sociales : négociations collectives, syndicats et dialogue social...
  • Formation et développement des compétences : stages, apprentissage, développement des connaissances, mobilité...
  • Inclusion et égalité salariale : mesure en faveur des personnes en situation de handicap, diversité, non discrimination, égalité hommes-femmes...
  • Santé et sécurité au travail : arrêts maladie, accidents, maladies professionnelles, actions de prévention...

La norme sociale ESRS S2 : travailleurs de la chaîne de valeur

Elle concerne les personnes qui ne sont pas des collaborateurs de l’entreprise mais dont le travail est impacté par son activité, en amont ou en aval (extraction de matières premières, distribution, logistique…) :

  • Conditions de travail : sécurité de l’emploi, salaire minimal, temps de travail, négociations collectives, dialogue social, liberté d’association, sécurité, santé, équilibre entre vie professionnelle et vie privée
  • Actions menées pour prévenir ou corriger les atteintes aux droits fondamentaux des personnes
  • Risques de travail forcé, exploitation et travail des mineurs
  • Vigilance (due diligence) vis-à-vis de la chaîne d’approvisionnement
  • Intégration des critères ESG lors de la sélection des fournisseurs

La norme sociale ESRS S3 : populations locales

Elle s’intéresse aux personnes impactées par les activités de la société et de sa chaîne de valeur :

  • Communautés affectées : peuples autochtones, populations vulnérables…
  • Accès aux ressources naturelles, expropriations, nuisances, pollution, conflits
  • Discussion avec les populations impactées
  • Respect des droits fondamentaux des personnes dans les zones d’activité
  • Actions de remédiation en cas d’impact négatif

La norme sociale ESRS S4 : consommateurs et utilisateurs finaux

Elle concerne les personnes qui achètent un produit (pour eux-mêmes ou quelqu’un d’autre) ou qui le consomment :

  • Impacts sur la santé et la sécurité des consommateurs et utilisateurs finaux : risques potentiels, conformité aux normes en vigueur, rappels de produits défectueux ou dangereux
  • Possibilité d’accéder aux produits de la société sans discrimination : genre, publics vulnérables, personnes en situation de handicap...
  • Qualité des informations fournies aux utilisateurs finaux et aux consommateurs : marketing responsable, lutte contre les pratiques abusives, informations sur les produits...
  • Respect de la vie privée des consommateurs et des utilisateurs finaux avec la protection des données personnelles
  • Gestion de la satisfaction client et des réclamations.

La nome ESRS S4 n’inclue pas les personnes dont le but est de revendre le service ou le bien acquis.

La norme de gouvernance ESRS G1 : conduite des affaires

Elle se consacre aux thèmes liés à la transparence, l’éthique et les relations avec les fournisseurs à travers plusieurs sujets comme :

  • Le bien-être animal
  • La culture d’entreprise
  • La corruption et le versement d’avantages financiers à des personnes pour favoriser la conclusion d’une affaire
  • Le lobbying et l’influence politique
  • Les modalités de paiement des fournisseurs selon leur taille

Publication, transmission et certification des informations de durabilité

Comment les publier ?

Le rapport de durabilité représente une section spécifique dans le rapport de gestion des entreprises. Ce document doit suivre le format électronique européen ESEF (European single electronic format), obligatoire pour les états financiers annuels depuis 2021. Il est à déposer dans le point d’accès unique européen ESAP (European single access point). Le balisage XBRL des informations sur la durabilité est spécifié dans la directive CSRD.

L’obligation de consultation du CSE

Les entreprises doivent discuter avec le Conseil économique et social (CSE) du reporting sur la durabilité. Pendant au moins une des consultations annuelles obligatoires, le CSE doit être associé au processus CSRD. Les points à aborder sont :

  • Méthode de collecte des données
  • Processus de certification
  • Impact de ces informations sur le pilotage de la société

Comment les certifier ?

La certification des rapports CSRD peut être confiée à des commissaires aux comptes ou à un organisme tiers indépendant (OTI) certifié par le COFRAC (Comité français d’accréditation). Le choix entre les deux solutions est effectué par l’assemblée générale ordinaire des associés.

L’avis des commissaires aux comptes ou de l’OTI porte sur la conformité à la réglementation et notamment le respect des :

  • Normes d’information sur la durabilité (ESRS : European Sustainability Reporting Standards sectoriel)
  • Exigences relatives au choix des informations publiées
  • Obligations de consultation du CSE
  • Standards de balisage XHTML

À qui les transmettre ?

Les sociétés françaises cotées sur un marché réglementé d’un pays membre de l’Union européenne déposent leur rapport financier annuel moins de 4 mois après la clôture de chaque exercice financier auprès de l’Autorité des marchés financiers. Ce document est tenu à la disposition du public durant 10 ans. Il contient entre autres le rapport de gestion incluant les informations sur la durabilité. Le document certifiant le reporting CSRD doit être ajouté dans le rapport financier.

Le rapport de gestion des sociétés par actions, contenant le reporting CSRD, est remis au guichet de formalité des entreprises dans les 2 mois qui suivent l’approbation des comptes annuels. Ce document est envoyé au greffe du Tribunal de commerce.

Comment est effectuée la collecte des données pour la CSRD ?

Une collecte non systématique

Il y a peu d’informations portant sur la chaîne de valeur nécessaires pour la CSRD. Les entreprises sont tenues de déployer des « efforts raisonnables » pour les obtenir. En cas d’échec, des estimations peuvent être utilisées.

Des critères ont été définis par la Commission européenne pour préciser cette notion de « raisonnable » en fonction de la taille et des ressources des entreprises.

L’analyse de double matérialité

Ce filtre sert aux entreprises afin de déterminer, parmi toutes les informations requises par les standards ESRS, lesquelles sont pertinentes. Ces données sont celles qui rendent compte des conséquences significatives en matière d’ESG et des impacts financiers associés. Grâce à cette analyse, les sociétés ciblent leurs efforts de collecte sur les sujets réellement impactants.

La double matérialité est constituée par :

  • la matérialité financière
  • la matérialité d’impact

La directive Omnibus

Le but du « paquet Omnibus »

Certains états-membres de l’UE et des organisations professionnelles ont critiqué la complexité de la CSRD et son calendrier jugé irréaliste. Suite à ces contestations, la Commission européenne a présenté le « paquet Omnibus » en février 2025. Il comprend plusieurs propositions législatives afin de simplifier des obligations liées à la CSRD, la CS3D (corporate sustainaility due diligence directive) et la taxonomie verte.

Les principaux impacts de la directive Omnibus concernant la CSRD sont :

  • Diminution du nombre de sociétés concernées
  • Création d’une déclaration volontaire
  • Moins d’impact de la CSRD sur les petites sociétés
  • Abandon des normes sectorielles
  • Simplification de la certification

Modification des seuils d’applicabilité

Le changement proposé pour les critères d’application amènerait une réduction de 80 % du nombre d’entreprises concernées.

Les nouveaux seuils d’application ne changent pas en termes de bilan ou de chiffre d’affaires mais ils augmentent concernant le nombre de salariés qui passe à plus de 1 000 collaborateurs au lieu de 250.

Norme volontaire pour les entreprises non concernées par la CSRD

Une nouvelle norme est proposés aux PME qui ne rentrent plus dans les seuils obligeant à appliquer la CSRD. Appelée VSME (voluntary reporting standard for non-listed SME’s = norme de reporting volontaire pour les micro-entreprises et les PME), elle aide ces sociétés à comprendre leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG) et à communiquer sur ce sujet.

L’objectif est d’inciter les entreprises volontaires à mettre en œuvre des pratiques durables et à participer à une économie plus verte et inclusive.

Diminution de la répercussion indirecte de la CSRD sur les petites entreprises

L’application de nouveaux seuils qui réduisent le nombre d’entreprises concernées par la CSRD diminue les conséquences sur leurs fournisseurs et leurs sous-traitants. Le reporting sur la durabilité implique de demander des informations aux entreprises plus petites, ce qui constitue un effet dit de ruissellement.

Abandon des normes sectorielles

Les normes sectorielles relatives au reporting sur la durabilité (ESRS) seraient abandonnées. Elles devaient concerner notamment l’agriculture, la banque, l’énergie, les assurances... La conséquence est la réduction du nombre de points de données à communiquer. Ces normes sectorielles ESRS devaient compléter celles transversales et thématiques et ajouter des indicateurs spécifiques. L’objectif était de pouvoir comparer plus facilement des entreprises d’un même secteur d’activité.

Avec l’abandon des normes sectorielles ESRS, les sociétés devraient identifier leurs enjeux clés grâce à l’utilisation de l’analyse de double matérialité.

Changement des modalités de certification

La CSRD demande une certification par un organisme tiers indépendant ou un commissaire au comptes du rapport de durabilité. Il serait demandé d’apporter une assurance limitée et non plus raisonnable pour cette phrase de certification.

L’assurance limitée est plus légère et moins coûteuse pour les sociétés. Elle implique que le vérificateur, via des sondages et des analyses, déclare ne pas avoir trouvé d’éléments qui laisseraient penser à des informations erronées. L’assurance raisonnable demande une vérification de la pertinence et de la fiabilité de toutes les données.

Le paquet Omnibus est-il applicable ?

Les modifications de fond en attente

Le paquet Omnibus fait l’objet de discussions au niveau européen. Il est en attente de la décision de la commission parlementaire. Son contenu n’a pas encore été adopté, donc les versions actuelles des directives CSRD sont toujours en vigueur.

Le report de la mise en application

Par contre, un décalage de l’application de certaines obligations de la CSRD a été adopté, sous le nom de directive « stop the clock » (arrêtez l’horloge). Entrée en vigueur le 16 avril 2025, elle a été transposée en France pour le volet CSRD via la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025.

Concrètement, cette directive amène un décalage de 2 ans de l’application du reporting de durabilité. Ce report ne concerne pas les sociétés déjà soumises à la CSRD ni les filiales et succursales d’entreprises dont le siège social est installé hors de l’Union européenne.

Pour les grandes entreprises remplissant les critères d’éligibilité, la CSRD est reportée au 01/01/2027, ce qui implique un reporting fourni en 2028. Les PME cotées et éligibles seront concernées dès l’année 2028 avec des rapports à rendre en 2029.

En attendant la possible validation du paquet Omnibus, les entreprises impactées par la CSRD ont le temps de se préparer à ce nouveau reporting. Une formation CSRD permet de comprendre comment appliquer les normes ESRS et collecter les informations requises pour le rapport de durabilité.